30 mai, 2009

10 mai, 2009

Petra gala

Située à environ 300 km au sud de Amman, Petra est citée dans la Bible sous le nom de Selà, ce qui en hébreu signifie "roche" dont Petra serait la traduction grecque. Cependant, les historiens ne sont pas encore d'accord sur l'origine du nom de la ville. Diodore de Sicile et Strabon décrivent la ville aux environs de -23 av. J.C comme la "somptueuse cité des Nabatéens".
Les Nabatéens sont un peuple de nomades qui se sont enrichis grâce au commerce caravanier établis selon Diodore, sur ces terres aux environs du début du 3ème siècle avant notre ère.
Cependant, il est aujourd'hui attesté par des fouilles et par des peintures rupestres, que la région était déjà occupée au Paléolithique par des groupes de chasseurs ceuilleurs nomades également. Durant la période Calcholitique et au cours de l'Age du Bronze coexistaient sur ce territoire des campements nomades et des villages d'agriculteurs déjà sédentarisés.
Il est vraissemblable que durant les 2 millénaires successifs, la région ait été touchée par des nombreux bouleversements climatiques et géologiques et les villages ont été très rapidement abandonnés, ne subsistant sur ce territoire que quelques rares tribus nomades.


A l'Age du fer, un groupe d'hommes établit de nouveau un campement stable.




Dans la région, on trouve également les traces d'un peuple sédentaire : les Edomites.


Il semble qu'entre le XIIème siècle avant notre ère et - 587 (date de la prise de Jérusalem par les Babyloniens), un peuple nomade provenant de la Péninsule Arabique, les Nabatéens, exerçait des fortes pressions sur la région occupée par les Edomites. Ces Nabatéens subissaient eux mêmes l'expansionisme babylonien.

Même si aujourd'hui l'origine exacte des habitants de Petra reste inconnue, il est très vraissemblable qu'elle était constituée d'hommes déterminés et industrieux qui vont très rapidement sortir des limites de la société nomade pour installer un système politique, économique et social plus élaboré.




Dès la fin du IVème siècle avant notre ère, on note la présence des caravanes des marchands nabatéens qui vont de l'Arabie jusqu'à la Méditerranée, de la Syrie à l'Egypte... Pour gérer leur commerce ils parlaient l'araméen, langue utilisée à l'époque dans tout le Proche Orient. Leurs caravanes étaient immenses, à tel point qu'elles étaient décrites par Strabon comme "de véritables armées en mouvement", leur force commerçiale résidait dans leur connaissance des marchandises les plus précieuses et les plus demandées. Ainsi, ils achetaient de la myrrhe, des épices et de l'encens qu'ils revendaient à Gaza, à Alexandrie, sur les ports de la Méditerranée orientale, produits qui étaient ensuite exportés vers l'Italie et la Grèce. Ces produits étaient utilisés lors de cérémonies religieuses, pour la production de fards... Ils achetaient et vendaient également de l'or, de l'argent, du verre, de l'orpiment, des tissus de Damas, des soieries qu'ils importaient de Chine. Ce commerce, fit des marchands nabatéens des hommes immensément riches et dont l'influence sur les routes commerciales était infinie.

Durant cette phase, les Nabatéens continuèrent à être essentiellement nomades, même s'ils s'installaient durant de longues périodes à la mauvaise saison, dans des villes qu'ils contrôlaient. Petra n'était pour eux qu'un caravansérail protégé.


Durant cette période, ils eurent régulièrement à combattre les attaques de deux royaumes hellénistiques nés de l'explosion en -323 de l'empire d'Alexandre. Il semble qu'ils aient utilisé le site de Petra comme "forteresse" grâce à sa situation géographique et géologique et grâce aux énormes réserves d'eau situées dans des citernes, réserves qu'ils avaient constituées afin d'utiliser le lieu comme abreuvoir pour leurs chameaux.


On note ensuite une "révolution culturelle" entre le 3ème et le 1er siècles avant notre ère qui entraîne la naissance du royaume nabatéen. Très rapidement ils consolident leur contrôle de la région qui va de l'actuelle Palestine jusqu'aux frontières actuelles de la Syrie. Ils se sédentarisent, développent un système social de type tribal, avec à la tête de chaque tribu un chef reconnu par ses pairs lors d'une assemblée, le tout chapeauté par une monarchie qui prend son inspiration et son mode de vie sur le modèle hellénistique.

L'évolution de la société nabatéenne est très rapide, de nombreuses villes stables sont fondées, une armée est mise en place, on commence à battre monnaie.


Au 1er siècle avant notre ère, la ramification du système commercial comprend une série d'étapes caravanières stables, avec temples, installations thermales, casernes et banques afin de ne pas transporter d'argent sur de longs trajets.


Ces installations avaient le visage de grands villages de toiles dont seuls les édifices religieux, publics et de représentation étaient maçonnés.


Sous le règne d'Aretas III (-86/-62) le royaume arrive à son expansion maximum, des marchands nabatéens sont installés dans les plus grandes villes portuaires du Proche Orient et de la Méditerranée, mais également à Rome.



Très vite les adversaires du royaume deviennent les romains. Avec les armées de Pompée, Petra est assiegée en 64 av. J.C, mais les souverains réussissent à garder une certaine autonomie grâce à une habileté diplomatique et au paiment de l'impôt. Les rapports continus avec les grands courants commerciaux, mais aussi culturels font de Petra un grand centre économique, artistique et cosmopolite avec des apports stylistiques qui viennent de la Syrie, de l'Egypte, du monde hellénistique, romain... On exploite également à Petra du cuivre qui est exporté dans tout le monde méditerranéen. Le royaume atteint sont apogée sous Aretas IV, souverain auquel sera dédié le Khasnè. C'est également la période du plus grand développement architectural.


Malgré tout celà, en 106, les troupes de Trajan font tomber la ville et le royaume. Les nabatéens résistent peu dans la mesure où ils préfèrent être intégrés à l'Empire et établir des rapports privilégiés. Petra où est installé un légat impérial, est rattachée à la province romaine d'Arabie. La ville continue à être florissante mais d'autres pôles vont devenir économiquement importants et un déclin va s'opérer lorsque Trajan fait ouvrir de nouvelles routes de commerce qui excluent Petra de leurs parcours. A la fin du IIIème siècle, la ville devient "métropole" sous Dioclétien et voit un accroissement de la population chrétienne, Petra devient un épiscopat et l'on voit surgir des basiliques ornées de mosaïques de style byzantin et de nombreux édifices rupestres sont transformés en églises.

En 363 et 419, la ville est touchée par de violents tremblements de terre, mais elle continue à prospérer bien que la population nabatéenne se disperse sous le coup de courants migrateurs qui proviennent de la péninsule arabique. Un nouveau tremblement de terre en 551 dévaste la ville, provoquant un dépeuplement presque total.


Après la conquête arabe en 663 et un autre séisme en 747, Petra reste quasiment dépeuplée et l'agonie de la ville commence. La cité sombre dans une obscurité quasi absolue jusqu'à sa redécouverte au XIIème siècle par des Croisés qui en font une ville fortifiée. Elle tombe aux mains de Saladin et est définitivement abandonnée, de même que son nom tombe dans l'oubli jusqu'en 1812 où un explorateur suisse Burckhardt voulant visiter le tombeau de Aronne tombe sur des monuments rupestres. Petra est alors habitée par des tribus de bédouins guerrières.


Mais elle est redécouverte. De nouveaux visiteurs viennent avec l'obtention de laissez-passer achetés aux bédouins, puis enfin ce sont les archéologues et historiens qui peuvent y avoir accès. Les 1ères fouilles ont lieu entre 1842 et 1849, on identifie la langue nabatéenne comme une version de l'araméen, on accomplit les 1ères études systématiques des monuments,. Les conflits dans la région rendent les recherches souvent difficiles et c'est en 1990, lors des accords de paix entre la Jordanie et Israël que les travaux peuvent reprendre avec des découvertes colossales.
Les 1ères découvertes importantes concernent l'alimentation, le stockage et la restitution de l'eau selon un système complexe et élaboré dont un peu voir un exemple ci-dessus. Un système de collecte, d'acheminement, de stockage en citerne traversait la ville et sa région. Sur la photo, il s'agit d'un petit tronçon dans le réseau aquatique, l'eau collectée à flanc de montagne lors des pluies était acheminée dans ces aqueducs creusés le long de la roche, pour éviter son évaporation et garantir sa pureté, elle circulait dans des conduits en terre cuite. Le bassin de receuillement des eaux couvre 92 kms² ! Tous les cours d'eau et torrents saisonniers de la région étaient canalisés vers les bassins de Petra.
Les nabatéens étaient organisés selon une monarchie de type héréditaire et la vie politique suivait le modèle des royaumes hellénistiques voisins. Il existe une caste sacerdotale, une caste régnante, un pouvoir militaire et l'état en général est stable. Les femmes ont un rôle actif important, elles possèdent des terres de façon autonome, elles ont des biens, peuvent avoir des employés; elles peuvent accéder au trône comme l'attestent des effigies sur des monnaies retrouvées.
La vie civile est régulée par des législateurs et des magistrats. Le sommet de la pyramide sociale est constitué par les marchands, suivis par les artisans, puis les agriculteurs, et les ouvriers. C'est une société à esclaves (mais pas esclavagiste) comme le sont presque toutes les sociétés de l'époque.

En ce qui concerne leur Panthéon, les nabatéens sont polythéistes et vénèrent des divinités pré-islamiques. Ces divinités ne sont pas antropomorphes, par conséquent la religion est sans icônes. Les dieux sont représentés sous l'apparence de bétyles avec des formes géométriques simples : cubes parallélépipédiques... qui ne sont pas le symbole du dieu mais une façon de marquer sa présence. Avec le temps, ils ajoutent à leur Panthéon des divinités venues du monde greco-romain : Zeus, Mercure, Vénus... Le contact avec le monde occidental fera apparaitre des représentations figuratives aux côtés des bétyles. Ces représentations seront détruites lors de la crise iconoclaste islamiste en 720.

Les nabatéens vénéraient également les forces primordiales de la nature : l'eau et le soleil sous toutes ses manifestations. On trouve des sanctuaires en plein air le long des routes avec des lieux de sacrifice creusés à même la roche. On y faisait également des offrandes.

La majorité des édifices monumentaux concerne des sépultures.

Le Khasnè : édifice le plus célèbre de Petra. Une façade colossale creusée dans la paroi rocheuse dans un état de conservation admirable. 39,60m de haut pour 28 m de largeur. La partie inférieure est constituée d'un portique à fronton à 6 colonnes à chapiteaux corinthiens (2 seulement sont dégagées). Au dessus court une frise ornée de grappes de raisin, et de volutes encadrées par des griffons. La frise surmonte un tympan dans lequel se trouvait une tête de Gorgone. Dans la partie supérieure, une tholos (petit temple rond) couronnée par un chapiteau corinthien sur lequel repose une urne.

La statuaire abimée ou disparue était composée de groupes équestres représentant les Dioscures Castor et Pollux, de Tyché, d'Amazones, de 2 Nikè ailées, de gigantesques aigles et d'une urne au sommet.

La statuaire a été détruite lors de la crise iconoclaste islamiste, puis ensuite par les bédouins qui croyaient à une légende selon laquelle l'édifice abritait un fabuleux trésor de phararon, c'est pourquoi certaines parties du monument sont criblés de balles.
A l'intérieur, le Khasnè, est formé d'un grand vestibule (pronaos), d'une pièce cubique sur laquelle s'ouvrent 3 pièces de dimension plus petite, la décoration est constituée de montants à frontons gravés. Quelle est la fonction de ce monument ? Des fouilles effectuées à partir de 2003 et encore en cours actuellement, ont permis de découvrir 4 tombes qui démontrent qu'il s'agit de sépultures de personnages de haut rang (probablement royaux). La datation identifie ces sépultures au début du 1er siècle. Il s'agirait donc de la sépulture de Aretas IV. L'édifice est donc réalisé ultérieurement et serait un temple funéraire consacré à la mémoire et au culte d'Aretas IV. Un petit bassin lustral creusé au seuil de la grande salle servirait à recevoir le sang des victimes sacrificielles.

En ce qui concerne l'organisation technique de la construction, il est attesté aujourd'hui que l'éléboration des édifices se faisait en débutant par le haut à l'aide d'échaffaudage, puis en descendant.


Sur le vestibule s'ouvrent également 2 pièces mineures surmontées de fenêtres à oculus avec des portails ornés d'élégants haut reliefs.

Partout sur le site, on peut trouver des loculi qui mettent à nu la beauté de la roche.

La voie des Façades présente un alignement de sculptures rupestres reliées les unes aux autres par des escaliers et des passages. La présence d'une si vaste nécropole le long d'une voie principale d'accès au centre habité, est habituelle dans le monde antique avec le mariage entre le monde des Morts et le monde des Vivants.
Le théatre antique est creusé à même la roche et témoigne d'une grande maîtrise technique. La structure compose un demi-cercle parfait. Il a été fondé selon la datation, sous le règne d'Aretas IV (-8 av. J.C/40 de notre ère). Puis modifié sous le règne de son successeur et enfin agrandi sous Trajan. L'aspect romain de l'édifice serait du à cet agrandissement.

Il est composé de 45 rangées de siège avec un système complexe d'écoulement des eaux de pluie. L'orchestre est creusé à même la roche. Le théatre est doté d'une accoustique exceptionnelle et pouvait acceuillir jusqu'à 6000 spectateurs. Il est probablte compte tenu de sa situation, qu'outre des tragédies et comédies, il acceuillait également des représentations sacrées ou religieuses.
La tombe à l'Urne tire son nom d'une petite urne qui lui servait d'acrotère. En 447, cette tombe fut transformée en église chrétienne.

Cet édifice offre de nombreux renseignements : il serait la séputlure du roi Malichos II (40 à 70 de notre ère), et peut être de ses épouses. On y trouve une salle triclinaire où se déroulaient des banquets en l'honneur du défunt.

Cet édifice est situé à côté de la Tombe de la Soie connue pour la variété des couleurs de la pierre en façade qui rappelle la moirure de la soie.


La Tombe du Palais bien qu'amputée de toute sa partie supérieure est encore le plus grand édifice de Petra. On pense qu'elle imitait l'architecture des grands palais romains ou grecs, certains y voient même une volonté d'imiter la Domus Aurea à que Néron se fit construire à Rome.

Située dans la zone urbaine, la Voie à Colonnades acceuillait sur son parcours tous les édifices publics, ainsi que les commerces, les bureaux et des lieux des restauration. Bien qu'elle ait été modifiée sous Trajan il est possible qu'elle était déjà pavée avant la conquête romaine. Elle était entourée de 3 marchés, d'un jardin public et d'une grande piscine qui peut rappeler les "lacs sacrés" égyptiens (?). Quoi qu'il en soit les nabatéens pouvaient ainsi afficher leur habileté d'ingénieurs hydrauliques et leur contrôle absolu sur le bien le plus précieux dans la région : l'eau.
Le Grand Temple : on ne connait pas exactement la vocation de cet édifice. Les fouilles de 1993 ont permis de découvrir une structure architecturale particulière, il s'agit de la grande cour qui précédait la construction, cour pavée de grandes plaques et entourée de portiques grandioses soutenus pas 3 rangées de colonnes chacun. Cet édifice est sans égal au Moyen-Orient et ne semble pas avoir eu une activité religieuse ou séculaire mais serait plutôt le siège du gouvernement ou d'administration de la ville.

Voici une très petite partie des édifices et monuments que l'on peut voir à Petra. Il en reste des centaines à découvrir pour le visiteur et probablement autant par les chercheurs puisqu'on pense que seul 1% de la cité est mise à nue et actuellement connue !

En conclusion, si les nabatéens ne semblaient pas à l'origine avoir une culture propre, ils ont développé les idées de tous les peuples avec lesquels ils entraient en contact, les interprétant ensuite librement avec une grande autonomie. C'est pourquoi on retrouve dans leurs constructions des éléments d'origine syrienne, égyptienne, grecque, romaine, parfois réunis avec des solutions inédites (comme le chapiteau à cornes, invention totalement locale). il est également certain que les nabatéens ne possédant pas de tradition figurative propre ont envoyé des artisans locaux se former à l'étranger et ont accueilli des artisans étrangers. Ces échanges ont permis la création d'édifices et de sculptures insolites dans un lieu qui l'est tout autant.

07 mai, 2009

Fiat Lux

Giacomo BALLA. Lampe à arc. 1909. Huite sur toile. 174,7 X 114,7 cm. MoMA. New-York